JournalTadjikistan : le cri des victimes face à un régime d’impunité

mai 6, 2025
FUVI 15

Depuis des années, le gouvernement du Tadjikistan dirige le pays selon sa volonté, faisant fi des critiques face aux nombreuses violations des droits humains. Cette impunité, qui s’est enracinée profondément, est aujourd’hui remise en question devant la Cour pénale internationale (CPI).

Le 10 avril, deux ONG — le Fonds ukrainien des volontaires internationaux et Freedom for Eurasia — ainsi que le parti d’opposition interdit, le Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT), ont déposé une plainte auprès de la CPI. Cette plainte vise le président tadjik Emomali Rahmon et son gouvernement, les accusant de crimes contre l’humanité.

Muhiddin Kabiri, chef du PRIT, a déclaré :

« Nous espérons que la CPI, après examen de notre plainte, entamera une procédure pénale et émettra des mandats d’arrêt à l’encontre des responsables, y compris les plus hauts dirigeants du Tadjikistan. »

Une situation qui se détériore depuis des années

Bien que les preuves soumises couvrent la période de 2002 à 2024, les événements des dernières années suffisent à démontrer l’impunité dont jouissent les autorités tadjikes.

En mai 2022, lors de manifestations pacifiques dans l’oblast autonome du Haut-Badakhchan (GBAO), le gouvernement a lancé une « opération antiterroriste » qui a fait des dizaines de morts et entraîné l’arrestation de centaines de personnes. Des avocats, activistes, artistes et journalistes, souvent sans lien avec les manifestations, ont été arrêtés. Plus d’une douzaine de Pamiris vivant en Russie ont été expulsés de force vers le Tadjikistan, emprisonnés immédiatement à leur arrivée.

Le GBAO est peuplé de plus de 200 000 Pamiris, une minorité chiite aux langues et traditions distinctes de la majorité sunnite tadjike. Depuis l’indépendance du pays en 1991, cette région a résisté aux tentatives du gouvernement central d’imposer son autorité.

Aujourd’hui, la culture pamirie est menacée d’extinction. Le gouvernement confisque ou tente de confisquer les infrastructures construites par le Réseau Aga Khan de développement : hôtels, écoles, centres médicaux, universités, parcs. Même les portraits de l’Aga Khan sont interdits dans les foyers.

Répression politique systématique

Dans un contexte de transfert de pouvoir prévu vers le fils du président, Rustam Emomali, le régime s’efforce d’éliminer toute opposition. Le PRIT, jadis parti officiel, a été interdit en 2015, qualifié d’« extrémiste » à la suite d’une prétendue tentative de coup d’État. Quatorze de ses dirigeants ont été condamnés à de lourdes peines de prison. L’un d’eux, Muhammadali Fayzmuhammad, est mort en détention en juillet 2024 à l’âge de 65 ans.

Les procès des membres du PRIT, des manifestants du GBAO et d’autres figures critiques se tiennent systématiquement à huis clos, sous prétexte de protection de « secrets d’État ». Les acquittements y sont quasi inexistants : en 2021, sur plus de 10 000 affaires, seules dix ont abouti à un non-lieu.

Un espoir ténu : la justice internationale

Malgré les condamnations de l’ONU, des ONG et des gouvernements, les autorités tadjikes ignorent systématiquement les appels à respecter les droits fondamentaux. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a dénoncé plusieurs violations, mais en vain.

Les juristes ayant préparé la plainte ont passé quatre ans à rassembler les preuves. Freedom for Eurasia affirme que les actes commis relèvent de plusieurs catégories de crimes contre l’humanité : meurtres, exécutions extrajudiciaires, torture, détentions arbitraires, persécutions religieuses et politiques.

Le Tadjikistan ayant signé le Statut de Rome, la CPI est compétente pour enquêter.

« Face à l’absence totale de recours internes, la voie internationale est le seul espoir de justice pour les victimes », conclut Freedom for Eurasia.

Source : timesca.com

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