Le parquet russe a requis une peine de quinze ans de prison contre Ksenia Karelina, une citoyenne russo-américaine de 33 ans, accusée de « haute trahison » par le FSB, le service de sécurité russe.
Ksenia Karelina, résidente des États-Unis depuis 2021, est actuellement jugée par le tribunal régional d’Iekaterinbourg, dans l’Oural. La jeune femme, qui a plaidé coupable lors d’une audience à huis clos le 7 août, est accusée d’avoir effectué un don de 47,45 euros (soit 51,80 dollars) à une fondation ukrainienne. Le verdict devrait être prononcé le 15 août.
L’affaire Ksenia Karelina illustre l’arbitraire qui règne en Russie. Employée dans un salon de beauté à Los Angeles et mariée à un Américain, elle est retournée en Russie le 17 janvier pour rendre visite à sa famille à Iekaterinbourg, sa ville natale. Cependant, dès son arrivée à l’aéroport, les douaniers ont saisi son téléphone et découvert un virement effectué le 24 février 2022 jour de l’invasion russe en Ukraine en faveur de la fondation Razom for Ukraine, une organisation caritative qui soutient les civils ukrainiens. Quelques jours après son arrivée, elle a été convoquée au commissariat, où elle a été condamnée à deux semaines de détention pour « trouble à l’ordre public », les autorités l’accusant d’avoir proféré des injures en public. Ce type d’accusation, souvent utilisé par la justice russe, permet de maintenir un individu en détention pendant que les enquêteurs élaborent des charges supplémentaires. Depuis 2022, les inculpations pour haute trahison se multiplient en Russie, une tendance inquiétante dans laquelle s’inscrit le cas de Ksenia Karelina.
Deux semaines après son arrestation, le 20 février, Ksenia Karelina, alors détenue au secret par le FSB, a vu son cas rendu public. Une vidéo la montrant menottée a été diffusée, accompagnée d’un communiqué l’accusant d’avoir « récolté des fonds pour les forces armées ukrainiennes » et participé à des manifestations pro-ukrainiennes aux États-Unis. Des accusations qui dépassent largement les simples injures initialement retenues contre elle. Face à ces charges de haute trahison, Ksenia Karelina risque désormais entre douze ans de prison et la perpétuité, une peine rendue possible par une révision récente du code pénal russe, qui a porté la peine maximale de vingt ans à la prison à vie pour ce type d’infraction. De son côté, Razom for Ukraine a nié tout lien avec des collectes de fonds destinées à l’armée ukrainienne, précisant que sa seule aide militaire se limite à la fourniture de trousses de secours aux infirmiers sur le front. Cependant, ces détails semblent sans importance pour la justice russe, qui intensifie les condamnations, même pour des actions symboliques telles que des publications sur les réseaux sociaux ou le port d’un tee-shirt aux couleurs ukrainiennes.
La condamnation imminente de Ksenia Karelina envoie un message clair aux ressortissants russes à l’étranger : le FSB surveille de près les activités des opposants au régime, où qu’ils se trouvent. Le juge Andreï Mineev, qui préside le procès, est le même qui avait condamné le journaliste américain Evan Gershkovich du Wall Street Journal à seize ans de prison pour espionnage en juillet dernier, ouvrant la voie à un possible échange de prisonniers entre la Russie et les Occidentaux. Ksenia Karelina espère elle aussi bénéficier d’un tel échange, selon son avocat.