Les récents affrontements dans l’oblast de Koursk impliquant des forces ukrainiennes sèment la confusion et laissent place à de nombreuses hypothèses.
Plus de vingt-quatre heures après le début des combats dans l’oblast de Koursk, les médias ukrainiens, tels qu’Oukraïnska Pravda, se contentent de relayer les déclarations de « propagandistes et prétendus ‘correspondants de guerre’ russes », selon lesquels « les forces armées ukrainiennes sont entrées sur le territoire de l’oblast de Koursk ». Côté ukrainien, aucun commentaire officiel n’a été fait sur ces événements. La chaîne de télévision Hromadske rappelle que, dès le 31 juillet, « les forces ukrainiennes ont frappé des dépôts de matériel près de Koursk » et s’interroge : « l’armée ukrainienne est-elle réellement entrée dans la région de Koursk ? »
Bien que des raids en provenance d’Ukraine aient déjà ciblé les oblasts russes de Koursk et Belgorod, ce qui surprend les médias de Kiev, c’est que ces incursions étaient jusqu’alors le fait de groupes russes encadrés par l’armée ukrainienne, tels que le Corps des volontaires russes (RDK) et la légion Liberté de la Russie, qui diffusaient des vidéos de leurs actions, souvent sans lendemain. Le magazine Fokous souligne que les opérations du RDK visaient principalement à « influencer l’opinion publique russe » en créant un « bruit médiatique ». Or, ajoute Fokous, « le RDK et la légion Liberté de la Russie n’ont fait aucune déclaration sur les combats dans l’oblast de Koursk ». Quant à l’état-major ukrainien, il maintient un « silence complet » sur ce que certains blogueurs russes qualifient de « percée », note Fokous, ironisant sur le début de « la ‘libération’ de l’oblast de Koursk ».
Poutine préoccupé
En Russie, les autorités ont tardé à mesurer la gravité de la situation. Le 7 août, lors d’une réunion avec son gouvernement, Vladimir Poutine est apparu visiblement préoccupé par les événements à Koursk, les qualifiant de « provocation ukrainienne de grande ampleur ». Le président russe a annoncé avoir convoqué d’urgence les responsables du ministère de la Défense, de l’état-major et du FSB, les services de sécurité intérieure chargés de la protection des frontières. La veille, les médias indépendants russes ont rapporté que le ministère de la Défense avait décrit l’attaque comme une « tentative d’incursion », avant de retirer cette affirmation de son communiqué, selon le service en langue russe de la BBC sur Telegram.
Alors que les médias officiels russes ont largement ignoré l’attaque, celle-ci a été abondamment commentée au sein de la communauté des voenkor, experts et correspondants militaires russes proguerre, qui critiquent une fois de plus le ministère et le commandement de l’armée, accusés de n’avoir rien anticipé. Les voenkor évoquent plutôt une opération militaire de grande ampleur, apparemment planifiée de longue date, avec pour objectif de prendre durablement le contrôle d’une partie du territoire russe, voire de la centrale nucléaire de Kourtchatov, située à environ 60 kilomètres de la frontière ukrainienne. Alexandre Sladkov, correspondant de la télévision publique, a avancé cette hypothèse sur Telegram, où il est suivi par plus de 900 000 abonnés.
Certains, comme l’expert militaire Iouri Kotenok, parlent même d’une « contre-offensive surprise » de l’armée ukrainienne, visant à renforcer les positions de Kiev en vue de futures négociations de paix, qui pourraient inclure des échanges de territoires. Les analystes ukrainiens se demandent pourquoi une telle opération aurait été lancée alors que la situation reste tendue sur le front du Donbass, en particulier près de Pokrovsk. Selon Mykola Melnyk, un officier ukrainien, cette incursion, menée par la 22e brigade mécanisée ukrainienne d’après certaines sources russes, pourrait viser à « obliger les Russes à maintenir des réserves dans leurs régions occidentales », au lieu de les envoyer sur le front de Pokrovsk et Toretsk, réduisant ainsi la pression sur les forces ukrainiennes.
Cependant, Melnyk avertit qu’une « action trop limitée et pas assez puissante n’aura aucun effet, même à court terme ». De son côté, Viktor Androussiv, ancien conseiller du ministère ukrainien des Affaires étrangères, évoque d’autres hypothèses sur Fokous : il pourrait s’agir de détourner les réserves du groupement Nord des forces russes, qui attaquent dans la région de Kharkiv, ou d’une frappe préventive pour devancer une offensive russe planifiée vers Soumy. Enfin, Androussiv n’exclut pas que les forces ukrainiennes tentent de s’emparer de la centrale nucléaire de Kourtchatov, ce qui leur permettrait de négocier un échange avec la centrale de Zaporijjia. Toutefois, il tempère cette hypothèse en précisant que « cette version aurait très peu de chances de succès ».
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